Voici ce que Krishnamurti disait : « La connaissance de soi est nécessaire. Manquer de maturité, c’est manquer de se connaître. Se connaître est le début de la sagesse ». C’est ce que nous disent aussi les Yoga sūtra qui incitent le pratiquant de yoga à mieux se connaître. Les Yoga sūtra appellent cette observation de soi : svadhyāya.
Dans le premier aphorisme du chapitre 2, Patanjali cite trois attitudes qui doivent servir de socle à notre vie d’être humain. Des attitudes qui vont nous permettre d’aller vers la paix mentale, en diminuant nos causes de souffrances. Selon les yoga sûtra, svadhyāya, l’étude de soi, se fait avec l’aide des textes anciens et de leur récitation, qui vont nous révéler à nous-mêmes, nous apprendre comment nous fonctionnons. Comme des miroirs.
Svadhyāya est aussi présentée comme un principe de relation à soi, un principe de vie pour soi (YS II 32 et II 44). S’étudier se fait au quotidien, à chaque pas que nous faisons, à chaque acte que nous posons. Pour aller vers la connaissance de soi.
Se connaître pour moins souffrir : le yoga nous invite à nous étudier, à nous observer à chaque instant pour mieux vivre, pour poser des actes justes, pour éviter de créer de la souffrance inutile, pour éviter d’en rajouter à celle que la vie nous apporte.
Beaucoup d’êtres humains vivent sans comprendre leur mode de fonctionnement et, de ce fait, sans savoir comment piloter leur vie. On pense savoir… mais on ne sait pas. Cela vous est certainement arrivé de repenser à des actions du passé en vous disant : « quelle erreur j’ai fait là ! J’aurais pu éviter de souffrir si j’avais agi correctement ». Or, au moment de l’action, vous étiez persuadé(e)s de bien agir. D’agir en connaissance de cause. Quelques années après, vous le constatez : vous étiez dans l’ignorance.
Certes, l’erreur fait partie de tous chemins de vie et nous ne pouvons pas toutes les éviter. Pas toutes, mais un grand nombre si nous connaissons le mode d’emploi de notre système. Si nous connaissons les émotions qui nous motivent, qui sont à la base de nos actions. Si nous connaissons le fonctionnement de notre mental, englué dans le connu. Selon Krishnamurti, et selon le yoga sûtra, les images, les symboles, les idées, les croyances sont des obstacles et la cause des difficultés humaines. La perception de la vie est conditionnée par les concepts enracinés dans l’esprit. L’individu n’est ainsi que le produit superficiel d’une culture, de ce qu’on appelle des samskâra, des conditionnements. À partir de ce constat, une liberté peut être entrevue dans l’observation attentive de notre propre manque de liberté. La connaissance du mouvement de nos propres pensées révèle l’esclavage au passé, au connu.
« Se connaître est le début de la sagesse » disait Krishnamurti. Connaître que nous ne fonctionnons que sur des idées, des conceptions passées. Connaître que notre psychisme est englué dans des principes conditionnés. Observer la mainmise des à priori sur notre psychisme. La mainmise des idées préconçues, toutes faites, imposées par l’extérieur et notre culture.
Je cite de nouveau Krishnamurti qui a dit : « Être capable de regarder tout cela me semble être la seule chose dont nous ayons besoin, car lorsque nous savons regarder, l’ensemble devient très clair ».
Connaître la réalité du monde : le yoga est une voie de connaissance, la principale cause de nos souffrances étant – selon cette philosophie – l’ignorance. L’ignorance ou la méconnaissance, le fait de mal connaître la réalité de la vie. Nous vivons dans une réalité subjective, faite de nos projections mentales. Ce qui nous empêchent d’avoir accès à la réalité du monde, à sa nature profonde.
Cette connaissance du monde passera par la connaissance de soi. Ainsi, Krishnamurti disait que « la vérité est connue par l’observation du contenu de son propre esprit ». Le monde n’est que le reflet de ce que nous sommes. Krishnamurti précise que « les structures sociales extérieures sont les résultantes des structures intérieures, psychologiques qui constituent nos relations humaines, car l’individu est le résultat de l’expérience totale de l’homme, de sa connaissance et de son comportement. Chacun de nous est l’entrepôt de tout le passé. L’histoire entière de l’homme est écrite en nous-même ».
S’observer, s’étudier, c’est observer, étudier le monde. Notre violence, notre colère, notre jalousie, notre volonté de puissance, notre envie d’acquérir une situation sociale, du succès, du prestige… tout ceci fait le monde dans lequel nous vivons. Aller vers soi, comprendre nos fonctionnements, c’est comprendre le monde dans lequel nous vivons. Selon Krishnamurti, c’est comprendre que « nous, individus, en tant qu’êtres humains, en quelque partie du monde que nous vivions, ou à quelque culture que nous appartenions, sommes totalement responsables de l’état général du monde ». Aujourd’hui, de nombreuses personnes le disent haut et fort en parlant de notre situation écologique ou en parlant de la pandémie à laquelle nous sommes confrontés. Pas forcément des penseurs ou des philosophes. L’étude de soi permet de savoir quoi changer au niveau du microcosme afin que le macrocosme aille mieux.
Connaître la réalité du monde : je vais terminer ces brèves réflexions sur l’étude de soi préconisée sur le chemin du yoga par ce que nous dit Patanjali dans le yoga sûtra II 44 : l’observation que nous pouvons faire de nous-même, en profondeur, de manière vraie, sans détours va nous amener à faire vivre en nous la spiritualité. A faire émerger en nous la voie spirituelle de notre choix, à découvrir au fond de notre être notre partie spirituelle et surtout, à trouver notre chemin spirituel personnel. Le yoga insiste sur la capacité que nous avons de nous découvrir notre réalité profonde, en nous observant. Nous sommes capables de tracer notre chemin vers notre spiritualité. En regardant nos fonctionnements de manière honnête, sans détours, ni jugements
« Par l’aboutissement de l’étude et de l’enquête sur soi, il y a découverte puis parfaite communion avec la voie spirituelle souhaitée» dit Frans Moors dans sa traduction du sûtra II 44.
Et cela va dans le sens de la pensée de Krishnamurti qui nous disait de ne suivre personne, de trouver nous-mêmes notre voie. « Il n’y a que nous et nos rapports avec les autres et avec le monde. Il n’y a pas autre chose » disait-il.