Catégorie Philosophie

Le terme de confinement n’a pas été employé par le président de la république lors de son allocution de lundi soir. Et cela a entrainé des discussions autour du bien-fondé de son choix. Fallait-il employer ce mot pour désigner la situation actuelle, au risque de véhiculer l’idée d’une restriction de liberté ? Ou valait-il mieux utiliser un autre terme pour désigner le fait que nos déplacements allaient être fortement réduits ?

Mon propos n’est pas d’entrer dans le débat mais, ce matin, au cours de ma balade hygiénique, m’est apparue la notion de retrait pour qualifier la situation actuelle. La vie nous oblige aujourd’hui à nous retirer de notre vie habituelle, de notre travail (plus ou moins selon les situations), des contacts humains en général. 

Cette notion de retrait est développée dans le texte du Yogasūtra de Pataňjali, ouvrage écrit environ 200 ans avant JC (voir présentation de ce texte en fin de page). Le retrait – appelé pratyᾱhᾱra – loin d’être négatif, est présenté comme incontournable sur la voie du yoga (voir sūtra II 54). Il qualifie un état où les sens sont au repos. Lorsque les sens sont en retrait, l’esprit n’est plus dépendant d’eux. Il n’est plus sans cesse attiré par les sollicitations extérieures. D’un état ordinairement dispersé, il passe à un état de recentrage. La période que nous vivons nous oblige, dans la majorité des cas, à moins de contacts avec l’extérieur et, de ce fait, nos sens sont beaucoup moins sollicités. Ainsi, nous sommes dans de bonnes conditions pour goûter à l’intériorité.

Nos sens sont sursollicités de nos jours : informations visuelles et auditives constantes, travail et loisirs sur écrans, exigence de réponses quasi immédiates via le téléphone ou l’ordinateur, déplacements de plus en plus fréquents etc. J’entends très souvent les personnes se plaindre de cet état de fait, source de fatigue et de stress chronique. La situation actuelle nous oblige à prendre un virage à 180°. Profitons-en pour laisser nos organes sensoriels prendre un repos bien mérité. Ainsi, nous pourrons (re)prendre contact avec notre centre, revenir à plus d’intériorité. 

Quels outils le yoga propose-t-il pour développer notre capacité à nous intérioriser ? Les postures, bien entendu, certaines attitudes mentales (je reviendrai peut-être là-dessus) et les techniques de souffle (appelées prānāyāma) : en réduisant l’influence de l’agitation et de la lourdeur, la respiration favorise l’expérience de l’intériorisation.

Profitons de cette expérience. Ainsi, nous pourrons demeurer intériorisés même lorsque nous serons de nouveau en contact avec le monde extérieur. 

Présentation des Yoga sūtra (ou du Yogasūtra) : Un des textes importants du yoga est le Yogasūtra de Patañjali. Patañjali n’est pas l’inventeur du yoga, mais il est l’analyste des techniques de discipline du psychisme : Patañjali a observé tout ce qui se faisait en matière de discipline, de maîtrise de l’esprit à son époque. Il en ensuite consigné ces observations dans un recueil de 195 aphorismes (ou sūtra) : les aphorismes sont destinés à être appris par cœur et ont donc une forme brève (afin d’être facilement mémorisés). La présentation des textes sous forme d’aphorismes était une méthode classique en Inde. Sutram signifie fil. Ce sens primaire a donné naissance au sens secondaire d’aphorisme.  L’ouvrage s’articule en 4 chapitres