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Nous le savons, tout est changement. Chaque micro instant est différent du précédent. Et ce changement incessant des choses, cette impermanence, comme le disent les bouddhistes, est une des principales causes de souffrance humaine. C’est ce que Pataňjali nous dit dans l’aphorisme 15 du 2ème chapitre des Yoga sūtra : « le sage, discernant, voit précisément [le potentiel de] la souffrance présent en toute chose, à cause de la nature douloureuse des changements » (Frans Moors, Pataňjali, Yoga sūtra, p. 70). Mais le  changement n’a pas toujours la même connotation dans le texte des Yoga sūtra : dans le 3ème chapitre, Pataňjali présente le changement comme une évolution positive de notre mental. Au fil de la pratique, le mental va se transformer et devenir de plus en plus apte à la clairvoyance (aphorismes III 9 à III 12).

Ainsi, le changement est présenté comme source de souffrance dans le chapitre II et voie d’évolution positive dans le chapitre III. Dans les deux cas, c’est le même mot qui est employé : parināma. Parināma veut dire : transformation ou changement dû au temps, maturation, mutation, modification, métamorphose. Parināma vient du verbe parinam qui veut dire se courber, s’incliner en avant. Parinam, c’est la position de l’éléphant qui se courbe avant de donner un coup avec ses défenses. C’est le dernier instant avant la bascule vers la transformation (dictionnaire Renou, p. 410).

Parināma c’est ce qui va nous fait souffrir quand nous nous accrochons à ce qui est, et avons du mal à accepter une transformation, même si cette transformation est positive. Anatole France disait : « Tous les changements, même les plus souhaités ont leur mélancolie, car ce que nous quittons, c’est une partie de nous-mêmes ; il faut mourir à une vie pour entrer dans une autre. » De manière générale, une situation de changement apporte son lot d’émotions, de résistance, de refus, de blocage, de crispations…

En même temps, parināma, c’est ce qui va nous permettre de vivre mieux. Pour accepter les changements incessants de la nature, pour nous permettre de suivre le courant tumultueux de la vie, le yoga nous invite à… nous transformer, à changer. Changer quoi ? Notre matière mentale, notre manière d’aborder l’existence, de la recevoir, notre façon de réagir ou d’agir face à ce qui se présente à nous. Pour accepter la transformation inéluctable des choses, il faut… se transformer. Et le yoga est bien une voie nous proposant de modifier notre mental, afin de le faire passer d’un état de dispersion et de confusion à un état de concentration et de discernement.

Je terminerai ces rapides réflexions par une phrase de Desikachar qui disait : «Bien qu’il existe des centaines de définitions sur le yoga, la plus importante de toutes est celle qui le définit comme la transformation de la qualité de l’esprit, c’est-à-dire un changement dans son comportement, dans sa manière de fonctionner et de percevoir. Le yoga cherche à provoquer un changement pour que l’on puisse prévoir les choses suffisamment à temps. C’est cela la sagesse…. C’est comme cela que l’on peut éviter duḥkha, la souffrance» (« Le yoga, un éveil spirituel », page 106).