Desikachar a écrit de belles choses et parle de la méditation d’une manière qui m’a beaucoup touchée. Il dit : « La méditation, c’est aller au-delà du mental vers le langage du cœur ». Mes pérégrinations de ce jour vont partir de cette phrase où l’on trouve des mots comme au-delà du mental ou langage du cœur.
Tout d’abord, qu’est-ce que le mental ? Le mental a la capacité de nous emprisonner ou de nous libérer. Nous emprisonner quand nous sommes enfermés dans nos conditionnements, dans nos habitudes. Quand le mental ancien nous dicte nos actes, il nous emprisonne. Je me souviens d’un voyage en Inde. Je partageai un repas avec deux Australiennes. Le repas nous avait été servi sur des sets en plastique. La nourriture directement sur le set. Une des Australiennes n’a pas pu manger de cette manière. Ses habitudes d’hygiène s’y opposaient. Elle ne pouvait pas accepter de mettre sa nourriture directement en contact avec un support – selon elle – douteux au niveau de l’hygiène. Son déjeuner a été gâché par un conditionnement profond en elle. Le mental peut nous enfermer en figeant nos actions dans une habitude de fonctionnement. Mais le mental peut aussi nous libérer. Il peut être notre maître, mais il peut aussi se mettre à notre service. C’est un outil merveilleux qui nous permet de nous adapter à différentes situations : en ce moment, je vous parle de yoga, de principes de yoga que j’ai appris, expérimenté, lus. Lorsque nous nous serons quittés, je vais passer à autre chose. Peut être vais-je prendre mon vélo et, avec mon mari, nous allons peut être nous promener ensemble pendant 1 heure ou 2. Je ne serai plus la professeur de yoga, mais une cycliste avec son mari. Et mon mental, merveilleux outil va me permettre de passer de l’un à l’autre sans difficulté. Nous faisons çà tout le temps, tous les jours. Ce mental, parfois notre ennemi, doit devenir un allié. En tout cas, il le peut.
Un aspect très important dans le yoga est l’observation de la manière dont le mental fonctionne. J’en ai déjà parlé dans d’autres causeries. Observer le mental et le purifier nous dit Desikachar. Le nettoyer de ce qui l’encombre, des conditionnements néfastes, des émotions destructrices. Pour que les conditionnements anciens ne guident plus nos actes présents et ainsi déterminent notre futur. Il s’agit que notre futur prenne racine dans un présent neuf.
Est-ce cela que veut dire Desikachar quand il parle d’aller au-delà du mental ? Aller au-delà du mental, consisterait à clarifier le mental pour que, transparent, il nous permette de voir au travers. Apaiser le mouvement des pensées, le ralentir, arriver à ne plus être esclaves des pensées, commencer à se tenir à distance des émotions… Autant d’actions qui, peu à peu, rendent le mental moins opaque, moins embrumé, plus apte à discerner le vrai du faux. Je cite Desikachar : « Si le mental devient transparent, ce qui est au-delà devient visible ». Aller au-delà du mental ce serait aussi le transformer, le changer, le faire évoluer. Car, la bonne nouvelle, c’est que le mental ancien, conditionné peut changer. Desikachar affirme que « le mental change en fonction de ce qui le nourrit ». Principe fondamental sur lequel se basent les techniques du yoga. Le mental va se colorer différemment selon ce sur quoi il se pose, comme un caméléon. Et, en plus, nous avons le choix de la nourriture que nous allons lui donner. Regarder des films violents, de manière régulière va teinter notre mental de cette violence, va l’augmenter en nous. La méditation est un excellent moyen d’élever notre mental. Les yoga sûtra ne parlent que de ça dans le troisième chapitre. C’est ce que dit aussi le sûtra I 39 : nous avons la possibilité de pacifier le mental, de le faire changer d’état en le posant sur un support qui nous convient. Un support qui l’élève. Desikachar nous dit : « choisissons pour notre méditation quelque chose d’élevé, à la beauté éternelle ».
Qu’est-ce que le langage du cœur ? C’est celui auquel nous avons accès quand le mental devient transparent, quand il se tait. Le langage du cœur c’est celui auquel nous avons accès quand le langage du connu, du mental ancien n’est plus de mise. Passer au-delà du mental, c’est se permettre un regard neuf sur le monde, un regard non influencé par nos préjugés, nos à priori, nos idées préconçues, toutes faites. On m’avait beaucoup parlé d’un formateur de l’Institut Français de Yoga. J’avais entendu plein de choses sur lui, plus ou moins positives, plus ou moins cohérentes entre elles. Ainsi, mon mental s’est fait une opinion, un avis sur ce formateur. Quand je l’ai rencontré, mon attitude s’est calquée, non pas sur ce que je percevais de lui, mais sur les à priori de mon mental, sur le connu. J’ai fait un effort pour le voir, pour l’écouter sans ce filtre du mental. Cela a été très difficile car, chaque fois que j’enlevais ce filtre, il revenait. Aujourd’hui encore, chaque fois que je croise ce formateur, j’ai du mal à recevoir une impression fraiche. Toujours ce filtre qui se met en travers de mes perceptions.
Le Petit Prince de St Exupéry le disait : « on ne voit bien qu’avec le cœur ». Au-delà du mental. Quand l’ancien fait place au neuf. Quand le mental accepte de sortir de ses habitudes et de son confort. C’est au-delà du mental que se trouve notre corps de personnalité profonde, notre vraie identité (que l’on nomme Vijñānamaya). C’est notre enveloppe faite d’intelligence, celle de l’éveil, du discernement. C’est à ce niveau profond que se trouve notre vérité (satyam et rtam). C’est à ce niveau que se trouve notre foi dans la vie. C’est à ce niveau que se trouve le yoga, la relation entre notre empreinte dans le monde et notre direction. C’est au-delà du mental que nous pouvons nous réaliser, que nous serons en lien de cœur à cœur avec le monde. En relation profonde avec ce qui nous entoure. Une relation directe, sans filtre.
La méditation est un chemin pour comprendre notre mental, le clarifier, l’apaiser, le colorer différemment. Nous avons la possibilité de changer nos liens au monde. Nous avons beaucoup plus de pouvoir que nous le pensons.