Aujourd’hui, je vais vous parler d’un concept fondamental dans la philosophie du yoga, celui d’avidyā. Avidyā se traduit par : ignorance, nescience, méconnaissance, illusion, méprise, confusion. Avidyā, c’est la méconnaissance métaphysique dont nous faisons preuve en nous trompant sur la réalité du monde… et sur la nôtre. Selon le yoga, cette illusion est à l’origine de beaucoup de nos souffrances.
En 2019, Marie a perdu son emploi. Etant salariée depuis de nombreuses années dans la même entreprise, elle s’était investie dans un travail qui lui plaisait. L’annonce de son licenciement pour raisons économiques l’a profondément blessée. Elle est restée sidérée pendant de nombreuses semaines. Des émotions de tristesse et de colère alternaient dans son psychisme. Avec des questions qui tournaient en bouclent (« Pourquoi moi ? », « qu’ai-je fait pour mériter ça ? », « que vais-je devenir ?» etc.). Et des pensées qui, de jour en jour, devenaient plus obsédantes (« Ce n’est pas juste », « je suis certaine que c’est X qui m’en veut et a tout fait pour me faire licencier » etc.). Marie n’arrivait pas à se dissocier de son identité professionnelle. Elle ne voyait pas ce qui existait en elle en dehors de cette position sociale. Ainsi, la perte de son poste était vécue comme la perte de son identité, voire de son existence.
Selon le texte des Yoga sūtra (*), cette identification, cet amalgame sont dus à avidyā, l’ignorance métaphysique qui caractérise les êtres humains. Nous ne comprenons pas le monde et ne savons pas qui nous sommes vraiment. Avidyā, c’est le fait d’ignorer quelle est notre propre source. Sous l’emprise de la méconnaissance, nous nous amalgamons aux différents rôles que nous jouons dans cette vie. Et nous vivons comme si ces rôles étaient notre seule identité, oubliant notre vérité profonde.
Le yoga est une voie de connaissance, un cheminement vers la fin de l’ignorance. Il ne nous propose pas d’accumuler des savoirs livresques, mais de vivre en profondeur une expérience transformatrice. Il nous invite à accéder à notre réalité intime, qui est spirituelle. Tout ce que l’on fait dans le yoga a pour but de réduire avidyā. Lorsque nous avons fini de nous identifier à notre petit moi, le grand Soi peut émerger et rayonner. Notre souffrance existentielle diminue.
Comme le disait si bien Pierre Teilhard de Chardin : « Nous ne sommes pas des êtres humains vivant une expérience spirituelle, nous sommes des êtres spirituels vivant une expérience humaine. »
(*) Le texte des Yoga sūtra a été rédigé par Patañjali entre 150 ans avant JC et 200 après JC. Il regroupe tout ce qui se faisait en matière de maîtrise de l’esprit à cette époque.