Le mot yoga est la contraction, régulière en vieil-indien, de *yauga, substantif formé à partir de la racine sanskrite yuj– (à lire youdj), dont le sens de base est « mettre sous le joug », et par extension « lier, attacher », « fixer l’esprit », « mettre en activité »… Le terme est apparenté à notre propre mot joug, en latin jugum, et c’est bien l’idée de « joug » qui définit le yoga ; cependant, notre propre représentation de l’objet, héritée des Romains, évoque la soumission comme dans l’expression « passer sous le joug ».
Au contraire l’idée indienne est qu’il faut unir en un même « attelage » l’intellect ou buddhi de celui qui pratique le yoga – le yogin, ou encore sâdhaka – et l’âtman, l’âme universelle du monde ; cette âme, pour beaucoup, s’identifie au dieu qui est lui-même comme une âme universelle, soit Brahmâ, par exemple au neutre, brahman, soit le Purusa, l’être cosmique, à son tour identifié, selon les textes, à Shiva ou à Vishnou.
Le yoga consiste à atteindre ce résultat par des voies en quelque sorte « raccourcies » par rapport à celles qui étaient proposées « avant » par les brâhmanes. Celles-ci reposaient sur l’apprentissage : surtout celui des hymnes religieux, les Veda, et, pour les brâhmanes eux-mêmes, celui des textes de la tradition védique. Le but de cette opération, dans l’Inde du Ier millénaire avant notre ère comme dans celle, hindouiste, d’aujourd’hui, est d’atteindre la « délivrance » ou moksha, c’est-à-dire d’échapper aux conditions qui sont malheureusement celles de la grande majorité des hommes, qui, à leur mort, se réincarneront dans des animaux, des plantes, des castes inférieures. La rigueur brahmanique promettait d’échapper à ce cycle infini de renaissances, le samsâra, si, au terme d’une vie consacrée à l’étude et au respect scrupuleux des rites, on mourait en véritable « état de grâce ».
Extrait d’un article de Bernard Sergent, chercheur au CNRS Président de la Société de mythologie française « Le yoga : origine et histoire »