Kerstin Faravel est kinésithérapeute, diplômée depuis 1997 de l’école de kinésithérapie de Montpellier. Elle a commencé très tôt à pratiquer le yoga avec sa tante et, en 2007, elle a commencé à suivre des cours collectifs d’ashtanga yoga. Afin d’approfondir ses connaissances en yoga, elle a suivi une formation de yoga postural avec Yves-Marie Doré. Elle s’est ensuite formée à l’enseignement du yoga et, depuis septembre 2018, elle est certifiée professeure de yoga à la Viniyoga Fondation (www.viniyoga-fondation.fr).
Q : comment a commencé ton travail auprès des femmes atteintes d’un cancer du sein ?
J’ai commencé ma carrière de kinésithérapeute en libéral mais, à la naissance de mon deuxième enfant, j’ai eu envie d’autre chose et j’ai pu obtenir un poste à l’Institut Régional du Cancer de Montpellier (ICM). Cela fait maintenant 14 ans que j’y travaille et j’ai la chance de pouvoir participer à l’élaboration de divers projets, notamment pour des femmes traitées pour un cancer du sein.
Q : comment se déroule une séance hebdomadaire de yoga avec ces femmes ?
Nous avons créé une association « EnVie » qui, en collaboration avec l’ICM, propose des cours de yoga pour des femmes suivies pour un cancer du sein. Cette association est financée – entre autres – par La Ligue contre le Cancer. Les cours de yoga existent depuis 10 ans et leur spécificité est qu’ils ont lieu à l’hôpital, en petit groupe (maximum 6 personnes). La professeure de yoga, Geneviève Pary, diplômée de l’IFY, donne ces cours avec beaucoup d’empathie et de douceur. Elle est toujours accompagnée d’un soignant (ma collègue oncologue ou moi-même). La présence médicale ou paramédicale rassure les participantes en cas d’interrogations concernant la maladie ou les soins.
Q : l’an dernier, tu as proposé un projet d’étude, qui a été accepté. Peux-tu nous en parler ?
L’expérience de notre atelier yoga par l’intermédiaire de l’association EnVie nous a permis d’obtenir un financement auprès du Cancéropole Grand Sud-Ouest. Il s’agit de mener une étude auprès de femmes traitées par hormonothérapie (*) après un cancer du sein. L’hormonothérapie doit souvent être suivie pendant plusieurs années et, dans 50% des cas, elle provoque des douleurs ostéo-articulaires.
Nous avons proposé un projet associant la kinésithérapie et le yoga, et intégrant une éducation thérapeutique du patient (ETP), protocole qui amène à l’autonomie de la personne. Ce projet propose aux femmes, en plus de la séance encadrée (hebdomadaire), une séance de yoga de 15 minutes qu’elles doivent pratiquer tous les jours en autonomie.
Pour montrer la faisabilité du projet, nous avons réuni 24 patientes divisées en 4 groupes de 6. Chaque patiente bénéficie de 6 séances de yoga hebdomadaires (de 1h30 chacune), encadrées par un kinésithérapeute (moi), ainsi que d’un bilan de kinésithérapie au début de chaque cours et à la fin des 6 séances. Dès le début, les patientes sont invitées à pratiquer des postures de manière quotidienne. Pour y arriver, les deux premières séances de groupe sont consacrées à l’apprentissage de la séance individuelle. Pour aider à la mise en place de cette pratique en autonomie, nous avons élaboré un guide en version papier « Mon guide de yoga », et un enregistrement à la disposition des patientes.
La période des 6 séances hebdomadaires est suivie d’une période de 6 semaines au cours de laquelle les patientes pratiquent uniquement en autonomie. Je reste en contact avec elles par e-mail en cas de besoin et un rappel est envoyé deux fois durant cette période. L’étude se termine par un dernier bilan de kinésithérapie. Nous évaluons l’assiduité aux séances encadrées et aux séances en autonomie, en demandant aux patientes de remplir un carnet de bord. Nous évaluons également la satisfaction des patientes vis à vis du projet, la qualité de vie et le bilan de kinésithérapie.
Q : la mise en place de ce projet a démarré en septembre 2018. As-tu déjà des résultats ?
Nous n’avons pas encore de résultats définitifs car il reste encore un groupe à constituer. Mais les résultats intermédiaires sont très encourageants car la satisfaction par rapport au projet et l’assiduité sont très importantes. De plus, on constate que la douleur a tendance à diminuer et que le vécu de cette douleur s’améliore.
Q : quelles pourraient être les évolutions à venir par rapport à cette étude ?
Si les bons résultats se confirment, il serait intéressant de proposer cette étude dans plusieurs hôpitaux qui prennent en charge des femmes traitées pour un cancer du sein. La pratique pourrait alors être plus répandue et plus de femmes pourraient en bénéficier. Lorsque plusieurs centres auront confirmé les bénéfices pour les patientes, j’aimerais que la pratique de yoga soit intégrée au parcours de soin, pour celles qui le souhaitent.
Q : quels sont tes projets actuels au niveau de la transmission du yoga dans le milieu hospitalier ?
Je souhaiterais continuer à développer le « yoga médical », j’entends par là le yoga à proximité de l’hôpital et en présence de soignants. Récemment je me suis intéressée à la méditation de pleine conscience et je pense qu’il serait intéressant de compléter la proposition de yoga par une formation à la méditation.
(*) L’hormonothérapie est un traitement anti-cancer systémique (qui agit sur l’ensemble du corps). L’hormonothérapie consiste à agir sur certaines hormones qui stimulent les cellules cancéreuses. Elle peut être utilisée seule (cancer de la thyroïde) ou en complément d’autres traitements anti-cancer.